" Confinement !"
Confinement. Ce n’était pas le
mot en pole position avant la pandémie ! Depuis il s’enorgueillit car on
ne cesse de le citer ! Depuis la mi-mars, nul ne pouvait entrevoir une
communauté confinée... Aujourd’hui elle l’est et nous vivons en cette
communauté !
Le confinement oblige à redessiner les frontières ! Par urgence on a le
réflexe de les fermer par ce que confinement veut dire. Le confinement
donne l’impression d’être dans une cage à la porte ouverte mais au
franchissement impossible !
Pour moi, hier, une communauté
confinée, était connoté péjorativement : c’est une communauté qui ne
pouvait être que recroquevillée sur elle-même et retranchée pour
contenir plus surement les assauts du monde et ne pas se laisser
contaminer par un monde auquel elle est pourtant bel et bien envoyée
mais auquel il ne faudrait surtout pas se conformer ! Depuis le 17 mars
2020, 67 millions de Français, et bein des millions partout dans le
monde, sont passés, à midi, derrière la porte de leur maison ! De
l’inédit !
A la veille du mois de mai,
nous nous disons que la communauté ne peut qu’être ouverture sur deux
mondes indissociables : terre et ciel, l’un perfectible et l’autre
persistant!
Vivre la communauté en ce
moment m’a obligé à changer de regard. Facile à dire ! Facile aussi, de
rêver aujourd’hui, changer demain ! Mais demain qu’en sera-t-il ? En ce
moment ma prière dit : « Apprends-moi, Esprit du Seigneur, à retourner
les événements, à les voir à l'endroit, bien plus positifs que tous les
envers et revers. » Alors il s’agit de retourner le « confinement »
enfermement, comme on retourne un gant, car ce vieux mot recèle un trait
autrement plus poétique : "confins". Dans les Savoie, les confins nous
transportent vers les hauteurs, vers les lacs de montagne, ils sont
« Ushuaia » : terres de feu, à la pointe la plus extrême ! Un but à
atteindre !
Le confinement, en tout cas
pour le moment, est d’abord brimade commune que nous ne sommes pas près
d’oublier, mais que chacun vit à sa manière ! L’événement Covid-19 nous
barre l’avenir, nous masque littéralement la vision horizontale, devenue
sans confins, sans terre ferme, sans but ! Alors se réfugier dans la
vision verticale et s’en contenter en disant « Seigneur, Seigneur, »
n’est pas une marche équilibrée ! Naviguer vers quel port ? C’est
l’occasion de se reposer la question des finalités de nos vies qui doit
correspondre à la question initiale de mon engagement.
"Souvenez-vous des premiers jours". Le souvenir, le souvenir de la
première rencontre, le souvenir de "ma Galilée", quand le Seigneur m'a
regardé avec amour et m'a dit : "Suis-moi".»
[Maison Sainte-Marthe 27 avri 2020l, Pape François]
Pour moi le temps présent
s’organise non pas selon de savantes combinaisons avec ses dosages et
ses retenus et ses compléments ; la journée je la vis en une solitude
accrue, tachant de l’accepter sans l’avoir désirée !
J’ai l’impression, que hier
chacun semblait sillonner la même haute mer du monde, mais chacun dans
sa propre embarcation : petites barques ballottées par le ressac,
hors-bord provocant, voilier solitaire ou paquebot de plaisance et
complaisance. Ce qui change c’est cette conscience d’être en la même
barque, amplifiant nos raisons d’espérer et risquant tout en même temps
de multiplier nos peurs et angoisses : tout cela sans assurance de
retour à un port de paix, le port d’attache !
Plus que jamais nous sommes
confrontés à être ensemble, à agir et ramer ensemble, ensemble cela veut
dire à la fois, en même temps, en de mêmes lieux, pour l’immédiat et
pour le futur ! L’enjeu consiste alors à dépasser la charité, les
commandements ... pour franchement se resituer en solidarité et
fraternité !
De fait chacun semble poussé
dans sa chambre-forte, en ses retranchements et sécurités, en ses
silences ou au contraire chacun est exposé et mal contenu dans une
vitrine où l’on devient ultra-sensible et irritable. La fraternité
consiste, concrètement à « s’entre porter et s’entre supporter pour
l’amour du Seigneur » François de Sales. (Lettre à la Mère de BRÉCHARD,
19 septembre 1616) il s’agit de trouver et ajuster le geste fraternel,
de laisser monter en soi à tout moment, la parole qui convient pour
qu’il n'y ait pas de communautaire qu’une illusion d'être ensemble.
- Ce confinement est l’occasion aussi de revenir sur des
propos plus fondamentaux où se mêlent paroles de Dieu et paroles du
monde. En congédient les prophètes de malheur et remerciant les
prophètes de bonheur qui ont su poser les vraies questions : « Jusques à
quand Seigneur ? » Ps 13 « Pourquoi ma blessure est-elle incurable, »
Jérémie 15, 15-21. Pourquoi l’homme intègre et droit qui craignait Dieu
est-il ainsi frappé par le mal ? (Jb 31, 3)
Le prophète parle pour... Il
est « porte-parole, » sans faiblir dans l’amour de Dieu, pour son peuple
pour « bouger » et relever la tête, pour croire en l’avenir. Il s’agit
de porter une attention accrue aux paroles en logorrhée de ce monde
déboussolé ! Si de part et d’autre il y a une attitude exacerbée de
relecture, d’un côté il y a une attitude de profondeur et de l’autre une
attitude de discernement !
En fait nous vivons la
« mission » à laquelle on a rajouté un gros mot, lourd de sens et de
créativité : « autrement. » Oui la mission autrement !
« Nous voilà embarqués sur la
haute mer du monde » Et rien n’a changé me direz-vous ! Si, la mer est
là avec ses tempêtes inattendues soudaines, mais tout navigateur sait
qu’un jour ou qu’une nuit ce genre de tourmente furieuse déferle ! Nous
n’en sommes cependant pas toujours suffisamment préparés. Nous n’avons
pas toujours été assez attentifs aux bulletins météo spécialisée, nous
avons péchés par orgueil souriant devant un tel ou un tel un peu trop
prophète, et donc le rejetant.
Nous sommes à la croisée des
chemins : allons-nous continuer sur la voie de l’individualisme ou
allons-nous emprunter celle de la fraternité ? Survivre à la crise va
nécessiter pour chacun de manifester « cette appartenance commune à
laquelle nous ne pouvons nous soustraire » comme le disait le pape
François au fait d’être frères.